07-PREMIERES VACANCES A VASSELIN

Publié le par Djipy

07-PREMIERES VACANCES A VASSELIN

Il était tout petit, cinq ou six ans et demi … 
On l’avait accepté parce que ses deux aînés 
Etaient déjà inscrits et veilleraient sur lui.

Peut-être que ses parents avaient fait le chantage : 
« Vous prenez cet enfant, qui n’a pas encore l’âge 
Ou vous n’en prenez pas ; nous garderons les trois. » ***

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C’est ainsi que les trois frères se retrouvèrent en Isère 
Dans une immense maison, imposant bâtiment, 
Changée pour l’occasion, en colonie d’enfants ! 
Sur la façade avant, une grande cour pour jouer, 
Au-dessus un grand champ, difficile à grimper 
Pour atteindre la forêt qui escaladait 
Le reste de la colline, jusqu’à son sommet.

C’est dans ce pré pentu, et le bois au-dessus 
Que les quarante garçons jouaient à Robinson, 
Aux gendarmes, aux voleurs, avec leurs moniteurs … 
C’est ainsi qu’un matin, en jouant en forêt, 
Le plus petit gamin, plongea dans un bosquet : 
Ainsi, il échappait au ‘’gendarme’’ qui le traquait !

Mais le buisson masquait la traîtrise du terrain : 
Le gosse débarroula dans un roncier sans fin !  
Coincé, emprisonné dans les serres du bosquet, 
Mille aiguillons crochus retenaient le mouflet ! 
Mille épines acérées l’empêchaient de bouger ! 
Elles meurtrissaient ses membres, s’enfonçaient plus encore, 
Pénétraient dans ses chairs, lacéraient tout son corps, 
Dès qu’il tentait de bouger, espérant se dégager.

Le moniteur est là, en dessous du roncier : 
" Ne bouge surtout pas, arrête de pleurer, 
On va couper tout ça, je vais prendre des outils, 
Tu vas sortir de là, te fais pas de soucis.

Sois un peu courageux, il faut attendre un peu. "

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Le gosse a patienté afin d’être libéré : 
Et c’est bien en retard qu’il vint au réfectoire. 

Son entrée saluée par un épais silence : 
Les garçons médusés oublièrent leur pitance …

Lèvres gonflées, joues balafrées, visage tuméfié. 
Gamin bien nettoyé, changé, désinfecté … 
Ses mille égratignures peinturlurées de rouge, 
Sur bras, jambes et figure : un véritable Peau-Rouge …

Même ses deux grands frangins croyaient voir un indien !

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La sieste fut un calvaire, il ne savait que faire, 
Ni comment se tourner pour le mal éviter ; 
Chaque partie écorchée, balafrée de sa peau 
Ne pouvait supporter le poids de ses kilos. 
Il partageait le lit, un très grand lit ancien, 
Disposé dans un coin, avec son frère Robert : 
Celui-ci n’appréciait guère la bougeotte du p’tit frère 
Qui final’ment s’assit sur le rebord du lit…

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La nuit, ce fut bien pire : il ne pouvait dormir … 
Le poids de la couverture ravivait les meurtrissures ! 
Aussi, il se découvrait, et le froid le réveillait. 
Dans son sommeil agité, le grand frère rouspétait ; 
Il aurait tant souhaité pouvoir dormir en paix.

Au réveil, patatras ! Branle-bas de combat ! 
Le lit est trempé … Le gosse a pissé … 
Car tard dans la nuit, il s’est endormi ; 
Sûrement découvert … et le petit matin 
Et son froid légendaire ont surpris le gamin.

Il a raconté qu’il avait rêvé : 
Il était au pied d’un énorme pommier ; 
En urinant sur l’arbre, il avait dessiné 
Un grand clocher de marbre et son coq mordoré.

Ses deux frères l’écoutèrent pour ne pas le vexer,  
Mais ils n’avaient que faire de ce rêve insensé … 
C’est eux qui transportèrent draps et matelas souillés, 
Pour qu’ils puissent sécher au long de la journée !
......................

Après le déjeuner, le chef de la colo, 
Demande au petit de passer au bureau : 
Il lui montre son nom affiché au tableau … 
C’est son jour, c’est son tour, de faire la vaisselle du jour !

Il l’emmène en cuisine et lui montre la colline 
D’assiettes et d’ustensiles, de verres et de couverts, 
De bols, de casseroles, de mille engins divers ! …

Le dirlo lui dit : " Voilà, il faut laver tout ça. " 
Le menton du garçon à hauteur de l’évier 
Commence à trembler, puis à hoqueter …

Cette montagne de vaisselle, pour lui, c’est l’Everest ! 
Il se met à pleurer, perdu, désemparé !

Soudain, un petit clic en même temps qu’un éclair ; 
" C’était l’instant magique ! – le dirlo est très fier – 
C’est la photo de l’année que je viens de choper ; 
Ce mioche attendrissant, boursouflé, mâchuré : 
Ce s’ra en noir et blanc mais bien plus éloquent. "

Enfin, le directeur console le gosse en larmes : 
" Pardonne-moi, mon petit, c’était une mauvaise farce … 
Je n’aime photographier que la ‘’vraie vérité’’, 
J’aime ce qui est vivant, naturel ou marrant.

Retourne avec tes frères, raconte leur tes misères,
Et que tu ne pourras oublier ce qui vient de t’arriver.
^^^^ 

La colo terminée, l’aventure dissipée, 
La photo a circulé, paraît-il, dans le quartier. 
Pourtant, l’intéressé n’a pas vu ce cliché … 
" C’est la malice des choses… " aurait dit sa grand-mère ;

Mais hélas elle repose … sous six pieds de terre !

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Il avait bien raison ce directeur farceur  
Les années ont passé mais n’ont rien effacé …

Le petit dernier n’a rien oublié,
Et redoute de plus belle de laver la vaisselle ! ! !
 

*** Mon frère Robert pense que nos parents étaient tout à fait incapables d’exercer le moindre chantage !

Djipy novembre 2000

Publié dans Miséreux souvenir

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