19-LA SAGE TORTUE ET LE LIEVRE ECERVELE

Publié le par Djipy

19-LA SAGE TORTUE ET LE LIEVRE ECERVELE

Ce lièvre snobinard était toujours en retard.
Il rentrait d’Angleterre, ses congés terminés,
Après un mois entier, passé à étudier
Cette langue sophistiquée si dure à prononcer…

Le garenne se vantait de s’piquer ‘ anglais,
Et sans arrêt mêlait l’anglais au français.

—" Maï God, houère iz maï pote
Je cherche partout Charlotte, mon amie la tortue.

 Elle a dû roupiller pendant tous ses congés…
 voudrais lui parler, aî houant' lui raconter:
Houatt’ iz arrivé,
Ce qui s’est passé d
uring mes vacances,
Pendant maï absence."
...
 
La tortoche, en effet, se prélassait,
Dormait, à
l’abri d’un bosquet.
Mais la voix du lapin, son très récent copain,
Et son nouvel accent accrocha ses tympans.

Dame tortue s’ébrouant, sortit de sa torpeur,
Clopinant lentement, rejoignit la demeure,
De l’anglomane lapin qui n’habitait pas loin.

A sa vue, il lui dit, tout ému :
" Maï dîr, aï am’ so glàd tou sî you,
Et comment allez-vous ? "

— " Ça va clopin-clopant, cahin-caha, couci-couça …
Mais raconte-moi plutôt ce que t’as vu de beau. "

Aï sô, j’ai vu une course de lévriers afghans ;
Des chiens maigres, ôv’ course, s’en vont hurlant,
Chassant un lièvre bidon, maï God, heureusement.
Sûr, j’avais les jetons à la pensée
Qu’un de ces clébards pourrait s’échapper. "
* * *

L’espiègle tortue lui réplique aussitôt :
— " Il t’aurait pas mordu, pas attrapé non plus.
Ces clebs sont très rapides,
Mais n’ont rien dans le bide :
Un faiblard palpitant, pas du tout résistant !
Ils ne savent que sprinter et sont vite essoufflés.
Un peu comme tes copains, garennes et lapins
Qui ne sont pas bons pour les courses de fond. "
^ ^ ^  

Ainsi asticoté, le lapin provoqué,
Ne peut que répliquer :

— " C’est toi qui me dit ça ? Toi qui reste plantée là …
Avant tout déplacement, tu réfléchis longtemps :
Pour te bouger le train, faut vraiment que t’aies faim !

Tiens, j’ne parle plus anglais.
Tu vois ce que t’as fait ?...
Je veux être conciliant ! Oublier cet affront :
Vois-tu le bout du champ ? C’est là que nous allons.

Chacun met dix €uros de caution dans le pot ;
Le dernier arrivé rincera le premier. "
...

 " O K dit la tortue, suis pas encore vaincue. "
Elle pensait :" n’a rien dans le citron ce pauvre garçon."

 Elle s’ébranle aussitôt, se débine lentement …
Tandis que le gibelot lui balance gentiment :

— " Fais gaffe au Père Durand,
Tu sais qu’en ce moment, il cogne cruellement.
T’en as pour la journée ; je vais me reposer,
A l’ombre de ce pommier ! …"
^^^ 

Il s’installe mollement et glisse béatement
Dans un profond sommeil !…

Quand il s’éveille enfin, il fonce sur le terrain,
Mais bye-bye son oseille,
La tortue d’une encolure, le bat net, sans bavures.

Elle lui dit, lui susurre :
— " Alors fiston mignon, avec mes p’tits petons
Et toi tes grands arpions,
Tu t’es fait posséder comme un nouveau-né !
 

Et encore t’as du pot :
Tu courrais en polo ;

Mais moi, p’tit rigolo,
J’ai ma crèche sur le dos. "

 fév.2000 Djipy

 

Publié dans Fables actualisées

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