47-LE LOUP DECHARNE ET LE CHIEN MUSCLE

Publié le par Djipy

LE LOUP DECHARNE ET LE CHIEN MUSCLE 

(copie infidèle de la fable " Le Loup et le Chien " de La Fontaine)

Moi, vieux loup affamé, décharné,
Efflanqué, n’avait plus rien croqué
Depuis la saint-glinglin et c’était vraiment loin !

Nous venions d’Italie par les Alpes franchies :
C’était bien mieux qu’ici … où tout avait changé
par la faute des bergers !

Ils gardaient leurs troupeaux, les enfermaient au chaud,
Si bien que dans l’alpage, pour se faire un agneau,
On risquait l’étripage ou deux balles dans la peau !
_

Les hautes autorités avaient autorisé 
D’abattre mes confrères loups qui jouaient aux marlous !
Ce n’était pas mon cas, j’étais trop délicat … 
J’étais certes affamé et plutôt déprimé,
Mais avec dignité, afin de respecter
La noble moralité qu’on m’avait enseignée.

Mais cette intégrité, de nos jours dépassée,
Amenait moquerie de ma jeune confrérie.
J’étais d’un autre temps… « que les moins de 20 ans ! »…

Maigre comme un passe-lacet, n’ayant plus de succès !
....
Ce jour-là, près du bois, déambule devant moi,
Un magnifique clébard taillé en malabar… 
Un molosse de danois, ‘’body-buldé’’ ma foi,
Musclé comme un champion, bâti comme un camion !
Il d’vait faire d’la gonflette, pour séduire les levrettes…
Un pois chiche dans la tête !
___
Pareillement boosté, y d’vait bien casse-croûter !
Et sûr’ment se doper pour être tant dév’loppé…
J’aurais dû livrer bataille mais je n’étais pas de taille,
Et n’ayant rien dans l’buffet, j’aurais vite été défait !

Je l’accoste gentiment, plutôt timidement
Pour lui faire compliment de sa grandiose prestance :
« J’admire ta belle allure, et ta musculature,
Aussi ton assurance, tout comme ton élégance ! »

— « Mon p’tit loup, mon p’tit gars, il ne tient qu’à toi
D’être costaud comme moi, lui réplique le danois.
Abandonne les bois, viens donc avec moi.
Change plutôt ton destin et tu n’auras plus faim ! »

— « Mais que devrais-je faire pour autant de bonne chère ? »

— « Chasser les loubards et les blousons noirs,
Les représentants, mendiants et gens gênants.
Toujours être poli avec ceux du logis,
Les flatter pour leur plaire,
Surveiller leurs petits, et en contrepartie,
Tu auras ton salaire :
Reliefs de pigeon, de poulet, de mouton,
Sans parler des caresses, si douces, de la maîtresse ! »

Je m’y voyais déjà, soigné comme un pacha,
Dorloté et bien gras, repu après repas,
Faisant sieste digestive, rêverie gustative,
Devant la cheminée, douce torpeur ballonnée… 

Marchant près du clébard, au poil si bien lissé,
Je vis que ce jobard avait le cou pelé, abîmé, dénudé !

« Que t’est-il arrivé ? — Rien, enfin trois fois rien …
C’est la marque du collier qui me tient attaché… »

— « Attaché, attaché, tu ne peux pas aller, selon ta volonté,
Courir en liberté, chahuter, flirter, t’éclater ?

— « Pas toujours, certains jours … 
Mais qu’importe à la fin, moi je mange à ma faim !»

— « Oui ! Mais quelle décadence … pour gagner ta pitance !
Il m’importe tellement que, de tous tes gueul’tons,
Je préfère bêtement grignoter des croûtons,
Et pouvoir gambader, musarder, chaparder,
Flemmarder, vagabonder ou me dévergonder,
Selon les occasions, selon "ma" décision,
Selon " ma " volonté, sans être commandé … »

 Sur ces mots, le Loup a décampé !
Bien malin qui pourra l’attraper !

 

Djipy août 2004 

Publié dans Fables actualisées

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